Monsieur,

Dans votre ouvrage: la Descendance de l’homme et la sélection sexuelle, (traduction française) je lis au chapitre V, le passage suivant. “On a raison de croire que la vaccine a préservé des milliers d’individus qui, faibles de constitution, auraient autrefois succombé à la variole.”³

En lisant cette appréciation de la vaccine, formulée avec tant de conviction par un homme d’une aussi grande science, je suis resté confondu. Il faut donc, me suis-je dit avec chagrin, que je n’ai pas étudié cette question sous son véritable point de vue, puisque je n’ai pu trouver aucune raison scientifique qui puisse me faire croire a la vertu prophylactique de la vaccine.

Les promoteurs de cette pratique, croyaient que la variole ne frappait jamais qu’une seule fois le même individu. Le vaccin étant considéré par eux comme l’équivalent d’une variole bénigne, les individus vaccinés devaient être à tout jamais préservés.

On sait à présent qu’une première atteinte de variole ne met pas à l’abri d’une seconde. Je connais des individus qui, après avoir été vaccinés, ont eu deux fois la variole.

Les épidémies quelconques ont en général des allures très-variables, tant sous le rapport de l’intensité des ravages que sous celui des époques de leur apparition et réapparition. Pendant longtemps la variole a donné raison aux vaccinateurs. Il y a quelques années, on remarqua que la préservation n’était ni complète, ni indéfinie, alors on sentit la nécessité de parler de revaccination.

Enfin l’épidémie de 1870–1871 a dû prouver l’impuissance de la vaccine. Pendant ces deux années, la variole a fait périr, en France, plus d’individus vaccinés que le choléra, contre lequel on n’emploie aucune vaccine, n’en a tués en 1853 et 1854.⁴

On objecte que le plus grand nombre des médecins de tous les pays croient à l’efficacité de la vaccine. Les questions scientifiques de cette nature ne se résolvent pas à la majorité des votants.

On dit aussi que le vaccin apporte dans le sang et dans les tissus des modifications telles que les individus vaccinés perdent pour un temps plus ou moins long, l’aptitude à contracter la variole. Ce n’est là qu’une hypothèse. A-t-on des exemples d’autres modifications qui résistent au mouvement de désassimilation auquel sont soumis les tissus des animaux.

La grande difficulté dans cette question, c’est qu’on ne sait rien de positif sur la manière dont se communique le poison varioleux. Est ce p⁠⟨⁠a⁠⟩⁠r la peau? est-ce par les poumons? Ou bien se développe-t-il spontanément sous l’influence de causes inconnues jusqu’ici? Car le premier varioleux n’a été infecté par personne.

Enfin, au point de vue général, qui peut affirmer qu’un homme vivant dans telle ou telle condition, aurait été frappé par la maladie, s’il n’avait pas été vacciné?

Ce sont là les principales objections que je m’adresse et auxquelles je ne trouve rien à répondre.

Vous me rendrez un bien grand service si vous pouvez trouver quelques instants de loisir pour faire entrer dans mon esprit la conviction qui est dans le vôtre.

Les hommes de votre valeur sont indulgents pour les faibles, j’ose espérer que vous m’excuserez de venir vous distraire de vos travaux.

Recevez, Monsieur, mes salutations respectueuses. | Docteur Grandclément | de Clermont ferrand (dèpartement du Puy-de-Dôme) | France.