Monsieur

Je viens de recevoir le bel ouvrage que vous venez de publier; je me suis hâté d’en faire la lecture, et je tiens à vous dire combien j’ai été heureux non seulement du don que vous m’avez fait, mais encore du nombre considérable de notions intéressantes que j’ai puisées dans ce livre.² Vos travaux sont appelés à renouveller entièrement les sciences naturelles. On est seulement effrayé de l’immensité des questions qu’ils soulèvent et du nombre considérable d’années, peut être de siècles qu’il faudra pour en donner la solution.

Vous devez être heureux, Monsieur, de voir combien les naturalistes ont actuellement de tendance à se rapprocher de vos idées. Il est regrettable que la France où les sciences naturelles ont jeté un sivif éclat, soit fort en retard à cet égard. Toutefois il est bien évident que les esprits, même les plus arriérés, commencent un peu à modifier leurs vieilles ideés.³ Mais pour le moment, ces questions sont fort peu comprises chez nous; parce que tous les efforts se portent actuellement vers la physiologie expérimentale.

Pour moi, Monsieur, je serais heureux si je pouvais un jour placer mon nom à la suite de vôtre, même à une très grande distance. Mes travaux sur la production artificielle des monstruosités se rattachent à la question de l’origine de l’espèce par un lien tout naturel, et pourront peut être, quelque jour, fournir des élémens utiles pour la discussion de cette grave question.⁴ Malheureusement l’extrème difficulté du sujet ne me permet d’aller qu’avec une excessive lenteur. J’ai d’ailleurs à lutter contre l’indifférence des physiologistes dont l’attention se porte tout entière sur des études d’une autre nature⁵

Veuillez recevoir, Monsieur, avec l’expression de ma reconnaissance, l’assurance de mes sentiments les plus devoués | Camille Dareste.