Cher monsieur

Non seulement notre Revue va reparaitre immédiatement d’une façon régulière, mais, à la différence des autres periodiques scientifiques de Paris, elle n’a même pas été complètement interrompue pendant le siège; nous avons fait paraitre 9 numéros depuis le commencement d’octobre.² Plus nos malheurs ont été grands, plus il est nécessaire de se remettre immédiatement au travail et de chercher à corriger les defauts qui nous ont perdus. On commence à comprendre partout que nous avons été vaincus par la science des Allemands bien plus que par leur courage, et pour nous relever il faut avant tout relever et etendre nos études scientifiques.

Aussi nous allons augmenter notre format de moitié à partir du 1^er avril prochain et aborder un peu plus qu’auparavant les rapports des sciences avec la politique et l’economie politique. Notre titre, qui se referait seulement aux lecons devenait décidément trop etroit, et, en commencant dans 15 jours, la deuxième série de notre publication, nous prendrons le titre de Tribune scientifique, sans abandonner toutefois celui sous lequel nous sommes dejà connus.³

Ceci m’amène à vous reparler de votre nouveau livre. On vient de m’en prêter un exemplaire sur lequel j’ai pu prendre une ideé générale de son étendue, et de ses divisions; quant au fond j’en connais d’avance toute la valeur.⁴ L’extension de notre format me permet de publier maintenant des articles plus étendus et je voudrais y insérer une grande partie de votre livre, notamment toute la première partie. Elle paraitrait chapitre par chapitre, de semaine en semaine. Cela donnerait immédiatement en France à votre ouvrage une publicité qu’un livre de science n’atteint presque jamais même après longues anneés.— En outre, immédiatement après la publication dans la Revue, votre ouvrage paraitrait tout entier, comme volume à part, dans une collection d’ouvrages scientifiques qui se rattache à la Revue et où paraitront les travaux trop étendus pour figurer integralement dans nos colonnes. Cette collection doit dejà comprendre plusieurs ouvrages anglais de Stuart Mill,⁵ Herbert Spencer, etc.—

Je crois que la combinaison que je vous propose serait extrêmement favorable à la propagation de vos idées en France, où notre Revue à elle seule, compte plus de lecteurs que tous les autres periodiques scientifiques réunis. Si vous voulez bien l’accepter, j’ecrirai immediatement à M^r Murray⁶ pour les clichés des figures, que je suppose lui appartenir, et je ferai commencer la traduction aussitot que j’aurais reçu l’exemplaire de la deuxième edition que vous voulez bien m’envoyer.⁷ Le premier chapitre pourrait paraitre dans la Revue vers le 15 ou le 20 avril et l’ouvrage paraitrait comme volume à part vers le 1^er septembre.⁸

Croyez moi, cher monsieur, | votre bien devoué | Em Alglave